Page:Zola - Fécondité.djvu/318

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dont il souffrait, cette absurde jalousie, née des fraudes conjugales, causes premières du désastre. Cette enfant pleurante, ce pauvre petit être si chétif, il l’aurait broyée, comme coupable de tout, comme l’obstacle aujourd’hui à son projet de promenade, à ce plaisir qu’il s’était promis, dont la réalisation prenait une importance décisive. Et c’était tant mieux, s’il y avait là un ami, et un autre homme, pour l’entendre.

« Ah ! tu ne veux pas venir… Est-ce que ça me regarde, ta fille ? Est-ce qu’elle est de moi ? Tu te doutes bien que, lorsque j’ai l’air de l’accepter, c’est pour avoir la paix. Mais je sais ce que je sais, n’est-ce pas ? Et tu le sais aussi, puisqu’il n’y a que nous deux qui puissions le savoir. Oui, ça me revient toujours, je me rappelle comment les choses se sont passées, j’en arrive quand même à la certitude qu’elle n’est pas de moi… Toi, tu n’es qu’une catin, ta fille n’est qu’une bâtarde ; et, moi, je serais trop bête de me gêner pour une enfant que tu es allée te faire faire, je ne sais dans que hôtel garni. À vous deux, vous ne serez contentes que lorsque vous m’aurez chassé de la maison… Tu ne veux pas venir, n’est-ce pas ? Bonsoir ! je vais me promener tout seul. »

Et Séguin partit en coup de foudre, sans un mot à Santerre, resté silencieux, sans même se souvenir que Mathieu était là, attendant une réponse. Ce dernier, consterné par tout ce qu’on lui faisait entendre malgré lui, n’avait point osé se retirer, de peur de paraître juger la scène. Immobile, il détournait la tête, regardait la petite Andrée, criant toujours, s’intéressait aux deux autres enfants, Gaston et Lucie, muets d’épouvante, serrés l’un contre l’autre, derrière le fauteuil où gémissait leur sœur.

Valentine s’effondra sur une chaise, les membres tremblants, suffoquée par les sanglots.

« Ah ! comme il me traite, ah ! le misérable… Et moi