Mais Marianne eut une surprise, elle reconnut tout à coup, devant elle, les Angelin, le ménage d’amoureux, venus sans bruit par un sentier. Avant de s’enfermer jalousement, pour tout l’hiver, dans leur petite maison de Janville, ils promenaient leur tendresse le long des routes désertes, que jaunissaient les dernières feuilles. Et, lorsqu’ils erraient ainsi par les champs lointains, serrés l’un contre l’autre, ils étaient si profondément à leur amour, qu’ils ne voyaient même rien des horizons. De sorte que, levant la tête, tirés de leur rêve par la rencontre inattendue, ils s’étonnèrent de cette terre nouvelle, de ces travaux qu’ils n’ignoraient pourtant pas. Mathieu avait fini par leur apparaître comme un original, qui, au lieu d’aimer la terre, de vouloir lui faire des enfants, à elle aussi, aurait dû se contenter de sa charmante femme. Et, d’ailleurs, ces choses étaient si loin d’eux !
Cependant, ils causèrent, affectèrent de s’émerveiller des résultats obtenus, par simple désir d’être aimables. Dans leur continuel ravissement, ils avaient cela d’exquis, qu’ils voulaient, à leur exemple, que tout le monde fût heureux. Jusque-là, leur vie n’avait jamais été qu’une fête, elle toute à l’unique enchantement d’être adorée, lui aimé, bien portant, riche, ne peignant ses quelques éventails que pour la joie d’y semer des vols de femmes et de fleurs.
Mais Mme Angelin, restée debout, au bras de son mari, appuyée tendrement à son épaule, parut tomber en une rêverie vague, les yeux sur Mathieu, qui, après les avoir salués, continuait les bonnes semailles, de son grand geste. Et, brusquement, sans doute frappée du jeu des enfants, de cet essaim de gais petits êtres, comme envolés des mains du semeur, tourbillonnant autour de lui, elle dit d’une voix ralentie, sans transition apparente :
« Je viens de perdre une tante, une sœur de ma mère,