Page:Zola - Fécondité.djvu/394

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la fenêtre restât grande ouverte, pour qu’on pût jouir, par le balcon, de la belle vue. Il n’y avait que deux couverts. Seulement, à la place habituelle de Reine, se trouvait un gros bouquet de roses blanches.

« Asseyez-vous là, à sa droite, dit-il avec son bon rire. Nous sommes trois tout de même. »

Il s’égaya ainsi jusqu’au dessert. Après le homard, la bonne apporta des côtelettes, puis des artichauts. Et lui, qui parlait peu d’habitude, se montra particulièrement expansif, comme s’il eût voulu prouver à son convive qu’il était un sage, un homme d’intelligence et de prudence, que la destinée finirait par récompenser malgré tout. Il reprenait les anciennes théories de sa femme, expliquait qu’il avait eu bien raison de ne pas s’embarrasser d’enfants, que son grand bonheur était de pouvoir ne songer qu’à sa petite Reine. S’il avait recommencé son existence, il n’aurait encore voulu qu’elle. Sans l’affreuse mort qui l’avait si longtemps accablé, il serait entré au Crédit national, il aurait peut-être aujourd’hui des millions. Mais rien n’était perdu, justement parce qu’il n’avait qu’une fille ; et il dit ses rêves, la dot qu’il lui amassait, le mari digne d’elle qu’il désirait lui trouver, la haute situation sociale conquise, la sphère supérieure dans laquelle il finirait par monter lui-même, grâce à elle ; à moins qu’elle ne préférât ne pas se marier, ce qui serait le paradis pour eux deux, car le projet sournois de la garder lui avait donné de grandes ambitions, qu’il avoua. Il lui obéissait en toutes choses, il la sentait ambitieuse comme sa mère, avide de vie luxueuse, de jouissances, de fêtes, et l’idée lui était venue de jouer à la Bourse, de réaliser quelque coup de maître, puis de se retirer, d’avoir voiture et maison de campagne. De plus bêtes que lui avaient réussi. Il n’attendait qu’une bonne occasion.

« Vous avez beau dire, mon cher ami, l’enfant