Page:Zola - Fécondité.djvu/431

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À ce moment, Séguin entra, suivi de Santerre et de Mathieu. Tandis que Valentine continuait, lui soumettait le cas, faisait appel à son autorité paternelle, il gardait, au coin des lèvres, un léger pli d’ironie, comme pour dire : « Que veux-tu ? ma chère, tu les as si mal élevés, qu’ils ont des caprices imbéciles. » Quand la mère eut fini, il se tourna vers le docteur, qui, d’un geste, se désintéressa, puisque la fillette ne voulait pas se laisser examiner. Il regarda Nora elle-même, complaisamment, en voyant qu’elle souriait ainsi que lui de cette scène ridicule. Et il affectait de prendre à témoin Mathieu, avant de juger, lorsque Santerre par amour de la paix, crut pouvoir arranger les choses gaiement.

« Comment ! ma petite, Lucette, c’est vrai, tout ce que ta maman raconte ? Non, non ! elle se trompe, n’est-ce pas ? tu es très raisonnable… Voyons, je vais t’embrasser, moi, et tu m’embrasseras, et tout sera fini. Je me charge de ton papa et de ta maman, qui te pardonneront. »

Il riait très haut, il s’avança, la face en avant. Mais, devant cette face d’homme, cette chair aux gros yeux luisants, à la bouche épaisse, à demi perdue dans le flot de la barbe. Lucie s’agita, donna les marques d’un trouble affreux, d’une répugnance terrifiée.

« N’approchez pas, je ne veux pas… Oh ! ne m’embrassez pas, ne m’embrassez pas, vous ! »

Santerre passait outre, s’entêtait absolument à la saisir, en manière de jeu, espérant ainsi user son caprice.

« Pourquoi donc ne t’embrasserais-je pas, Lucette ? Je t’embrasse bien tous les jours. »

— Oh ! non, je ne veux plus… Laissez-moi, par pitié !… Oh ! non, oh ! non, pas vous, jamais plus ! »

Et, comme il poussait le jeu jusqu’au bout, malgré ses cris, elle, se souleva, se rejeta en arrière, évita sa bouche ainsi qu’un fer rouge qui l’aurait brûlée. Ce drap qu’elle avait serré si étroitement à son cou, elle l’écartait pour