Page:Zola - Fécondité.djvu/440

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moi la première ! Eh bien ! je lui en ai fait mes excuses, cela finit par être très beau, très grand, cet enfantement continu, si tranquille, si victorieux. Et ce que je l’envie, ah ! ma chère, à rêver d’aller, un soir lui en voler un, de ces enfants qui poussent si naturellement d’elle, comme les fruits abondants d’un arbre vigoureux !… Mon Dieu ! mon Dieu ! est-ce donc parce que nous avons trop attendu ? Notre faute, à tous les deux, serait-elle d’avoir desséché la branche, en l’empêchant de produire, aux saisons des bonnes sèves ? »

Devenue grave, Constance avait hoché la tête, au nom de sa cousine Marianne. Elle la désapprouvait toujours de ses grossesses successives, véritablement scandaleuses, et qu’elle expierait certainement un jour.

« Non, non ! ma chère, ne tombez pas à l’autre exagération. Un enfant, certes, il n’est pas une femme, pas une mère qui n’en ait l’impérieux besoin. Mais toute cette bande, tout ce troupeau, non, non ! c’est une honte, une folie… Sans doute, maintenant que voilà Marianne riche, elle peut répondre qu’il lui est permis d’être imprévoyante. J’admets qu’il y a là une excuse. N’importe ! je garde mes idées, vous verrez que, tôt ou tard, elle en sera terriblement punie. »

Cependant, ce soir-là, lorsque Mme  Angelin l’eut quittée, Constance resta hantée, troublée de sa confidence. Sa surprise demeurait, qu’on ne pût avoir encore un enfant à leur âge, lorsqu’on en désirait un. Et d’où venait donc le petit froid de glace qu’elle avait alors senti passer dans ses veines ? De quel inconnu, de quelle crainte d’avenir venait-elle d’être ainsi effleurée, à la sensibilité la plus secrète de son cœur ? Ce malaise, d’ailleurs, était vague, à peine formulé, pas même un pressentiment, rien que le léger frisson instinctif de sa fécondité compromise, perdue peut-être. Elle ne s’y serait pas arrêtée, si, déjà, le regret de n’avoir pas un second