Page:Zola - Fécondité.djvu/449

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vous amener… Mon Dieu ! que de choses ! Cela ne nous rajeunit guère. »

Il l’examinait, elle lui sembla, en effet, bien vieillie, de cette rapide flétrissure de certaines blondes, qui, passé la trentaine n’ont plus d’âge. Pourtant, elle demeurait agréable, empâtée un peu trop, l’air très las, bien qu’elle parût avoir gardé son insouciance faite maintenant de beaucoup d’abandon.

Cécile voulut mener l’explication rondement.

« Voici ton chocolat… J’ai rencontré M. Froment dans la rue et il est si bon, il me porte tant d’intérêt, qu’il a bien voulu s’intéresser à mon idée de louer une chambre, où tu viendrais travailler avec moi… Alors, je l’ai prié de monter te voir pour causer un instant, pour te décider à garder ce pauvre petit. Tu vois qu’on n’entend pas te prendre par traîtrise, puisque je te préviens. »

Émotionnée, Norine s’agita, protesta.

« Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire ! Non, non, je ne veux pas qu’on me tourmente, je suis déjà trop malheureuse ! »

Tout de suite, Mathieu intervint, lui fit comprendre que la vie de plaisirs se gâtait à son âge, que ce seraient des chutes de plus en plus profondes, si elle retournait au pavé. Et il la trouva bien d’accord avec lui là-dessus, elle lui parla de son existence de fille amèrement, en désillusionnée qui n’attend plus des hommes que de la misère, des mensonges et des coups. C’était l’âpre réalité où se brise le rêve de libre fortune, que font tant de jolies ouvrières parisiennes, corrompues dès l’atelier, cherchant à se vendre cher pour la possession de ce luxe dévoré des yeux aux étalages des grands quartiers, puis tombant à la rue, après n’avoir tiré des hommes, comme prix de leur beauté, que l’unique, l’affreuse duperie de ces grossesses de hasard, de ces tristes enfants dont elles