Page:Zola - Fécondité.djvu/450

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se débarrassent, dans leur rage d’être volées. Elle en était exaspérée maintenant, sans pain, sans métier possible, sans jeunesse et sans espoir. Mais que pouvait-elle faire ? Quand on était dans la crotte, il fallait bien y rester.

« Ah ! oui, ah ! oui, j’en ai assez de cette sacrée vie qu’on croit si drôle, si amusante, lorsqu’on est jeune, et où l’on ne mange même pas souvent à sa faim, sans parler des saletés de toutes sortes… Vous savez, aujourd’hui, c’est comme une pierre à mon cou, autant que je crève là-dedans. D’ailleurs, on ne s’en sauve plus, ça m’attend, et j’y retourne, jusqu’à ce qu’on me ramasse dans quelque coin, pour qu’on m’achève à l’hôpital. »

Elle avait dit ces mots avec l’énergie farouche d’une femme qui brusquement, a la nette vision du destin auquel elle ne saurait échapper. Puis, elle regarda l’enfant qui tétait toujours.

« Vaut mieux qu’il aille de son côté, et moi du mien. Ça fait que nous ne nous gênerons pas. »

Sa voix s’était attendrie, tandis que, sur son visage désolé, passait une infinie douceur. Et Mathieu, étonné, sentant chez elle cette émotion nouvelle qu’elle ne disait pas, se hâta de reprendre :

« Qu’il aille de son côté, c’est le plus court chemin pour qu’il meure, à présent que vous avez commencé à le nourrir. »

Elle se fâcha de nouveau.

« Est-ce ma faute ? Je refusais de lui donner le sein, moi. Vous savez quelles étaient mes idées, et je me suis mise en colère, j’ai failli me battre avec Mme  Bourdieu, quand elle me l’a posé de force entre les bras. Ensuite, que voulez-vous ? il criait tellement la faim, le pauvre être, il avait l’air de tant souffrir de mon refus, que j’ai eu la faiblesse de le laisser téter un petit peu, en me promettant bien que je ne continuerais pas le lendemain.