Page:Zola - Fécondité.djvu/45

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volupté ironique, dans le rouge reflet de ses cheveux. Il y eut un assez long silence, comme si elle eût voulu le troubler et le vaincre.

— Et ma bonne cousine Marianne va bien ?

— Très bien.

— Et les enfants poussent toujours ?

— Toujours.

— Alors, vous êtes heureux, en bon père de famille, dans votre trou perdu ?

— Parfaitement heureux.

De nouveau, elle garda le silence, sans cesser de le regarder, plus provocante et plus ensoleillée, d’un charme de magicienne dont les yeux brûlent, empoisonnent les cœurs. Et, lentement, elle finit par reprendre :

— C’est donc bien fini, nous deux ?

D’un simple geste, il dit que c’était bien fini. Leur histoire était ancienne déjà. Il avait dix-neuf ans, il venait d’entrer à l’usine Beauchêne, lorsque, mariée, âgée de vingt-deux ans, elle s’était brusquement donnée à lui, un soir de solitude. Lui, son cadet de trois ans, n’avait pu lutter contre une de ces surprises de la chair, dont un homme n’est pas le maître. Puis, quelques mois plus tard, à la veille d’épouser Marianne, il avait formellement rompu.

— Fini, fini, tout à fait fini ? demanda-t-elle encore, de son air agressif et riant.

Et elle était vraiment adorable, d’une force de désir irrésistible. Jamais il ne l’avait vue si belle, si enflammée du besoin de l’immédiate possession. Elle s’offrait avec une fierté souveraine, où il n’entrait rien de honteux ni de bas, libre d’elle-même, proposant hardiment un marché de joie, en toute certitude de rendre autant, et davantage, qu’on ne lui donnerait. Cela seul valait pour elle le souci de vivre. Et cela n’était gâté que par l’idée diabolique de le tenter, par la perversion méchante d’enlever