Page:Zola - Fécondité.djvu/46

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un homme à une autre femme, à une petite parente sotte, et de la faire pleurer.

Puis, comme Mathieu, cette fois, ne répondait point, même du geste, elle ne se fâcha pourtant pas, elle garda son air invincible d’amoureuse.

— J’aime mieux cela, ne répondez pas, ne dites pas que c’est tout à fait fini… Avec moi, mon cher, ce n’est jamais fini. Et ce sera quand vous voudrez, entendez-vous ! ce soir, demain, le jour où il vous plaira de venir frapper à ma porte… Il suffit que j’en aie le désir, votre refus dès lors ne saurait me fâcher. Vous savez où je reste, n’est-ce pas ? Je vous attends

Une flamme avait passé sur la face de Mathieu. Il ferma tes yeux, pour ne plus voir Sérafine, qui se penchait vers lui, brûlante, odorante. Et, dans la nuit de ses paupières closes, il revit l’appartement qu’elle occupait, où il était allé une fois avec Marianne, tout le rez-de-chaussée d’une maison de rapport, qu’elle possédait rue de Marignan. Elle y avait à elle une porte particulière, ouvrant sur des pièces discrètes, garnies d’épais tapis et de lourdes tentures, étouffant les bruits. Des femmes seules la servaient, introduisaient les visiteurs sans une parole, disparaissaient telles que des ombres. Le jeune ménage l’y avait trouvée dans un petit salon, sans fenêtres apparentes, sourd, profond comme une tombe, avec les dix bougies de deux candélabres allumées en plein jour. Mathieu sentait, après des années, le parfum pénétrant et chaud qui l’avait envahi de langueur.

— Je t’attends, répéta-t-elle, dans un souffle, les lèvres presque sur les siennes.

Et, comme il se reculait, frémissant, très ennuyé de jouer ce rôle ridicule d’un homme qui refuse une femme désirable, elle crut qu’il allait dire non encore, elle lui posa vivement sur la bouche sa petite main longue et enveloppante.