« Elle ira bien à la demi-douzaine, reprit Norine, lorsqu’elle eut disparu. Ajoutez que ça ne lui apprend guère le français, de venir accoucher chez nous, car j’ai eu beau la questionner sur ce qu’elle faisait en Angleterre, je ne suis pas arrivée à lui tirer quatre mots. Si elle est dans un couvent, comme on dit, ça prouve qu’on peut se mal conduire partout… En voilà une qui aurait besoin de donner à téter, pour qu’un enfant l’empêchât de reprendre si souvent le bateau ! »
Elle riait maintenant, elle était heureuse, avec un gros poids de moins sur la poitrine. Et elle voulut absolument se lever, descendre avec son enfant dans les bras, désireuse d’accompagner sa sœur et leur ami jusqu’au premier étage.
Depuis une demi-heure, Constance et Mme Angelin se trouvaient enfermées avec Mme Bourdieu, en grande conférence. La première avait évité de se nommer, jouant simplement le rôle de l’amie complaisante qui accompagne une amie, dans une circonstance délicate. Mais la sage-femme, avec le flair de la profession, devinait une cliente possible, chez cette dame si curieuse, qui l’accablait de questions singulières. Il venait d’y avoir une scène douloureuse, lorsque, lasse des insistances désespérées de Mme Angelin, comprenant qu’elle ne pouvait décemment la bercer davantage de faux espoirs, elle s’était décidée à lui faire entendre que tout traitement lui semblait inutile. La triste femme avait fondu en larmes, pleurant sa stérilité, tandis que Constance se récriait, exigeait des explications, étonnée, effrayée qu’une telle chose arrivât, à leur âge. Et c’était alors que Mme Bourdieu avait complaisamment vanté sa méthode, cité des cas extraordinaires, nommé deux dames de cinquante ans passés, qui, grâce à elle, se trouvaient enceintes. Dieu merci ! la plupart des cas étaient guérissables, elle réussissait huit fois sur dix, il fallait vraiment