Page:Zola - Fécondité.djvu/457

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l’usine, sans en être guère récompensé. Maman fait aussi son possible à la maison quoiqu’elle n’ait plus la force de faire grand-chose. Depuis que Victor est revenu du service, il s’est marié, il a des enfants à son tour, et je crois bien qu’il en aura plus qu’il n’en nourrira, car il semble avoir perdu le goût du travail au régiment. La plus maligne encore, c’est cette paresseuse d’Irma, ma cadette, qui est gentille, si fine, peut-être parce qu’elle est toujours malade. Vous vous souvenez, maman tremblait de la voir mal finir, comme Norine ? Eh bien ! pas du tout, elle seule aura réussi, elle va épouser un employé de la Poste, dont elle a su se faire adorer, sans lui permettre seulement de baiser le bout de ses cheveux… De sorte qu’il ne reste que moi, chez nous, avec Alfred. Oh ! celui-là, c’est un vrai bandit. Je le dis comme je le pense. Il a volé l’autre jour, on a eu bien de la peine à le tirer des mains du commissaire. Avec ça, maman est d’une faiblesse avec lui, au point de lui laisser prendre tout ce que je gagne. Non, non ! j’en ai assez, d’autant plus qu’il me donne des peurs atroces, à me menacer de me battre, de me tuer, sachant bien que, depuis mon opération, le moindre bruit un peu fort me fait tomber en défaillance. Et, ma foi ! puisque en somme, ni maman ni papa n’ont besoin de moi, je suis bien excusable de vouloir vivre à part, tranquillement… N’est-ce pas ? monsieur, c’est mon droit. »

Ensuite, elle parla de sa sœur Euphrasie.

« Oh ! ma pauvre sœur, si vous saviez ce qu’elle est devenue, depuis qu’on l’a opérée !… Moi encore, je n’ai pas trop à me plaindre, en dehors de cette affreuse chose que jamais je n’aurai d’enfant. Vous voyez, je suis debout, pas forte, tout de même assez solide. Je dois dire que les douleurs de reins ne sont jamais revenues. Mais j’ai toujours parfois le clou, là, derrière la tête, ainsi que la boule qui me monte de l’estomac dans la gorge, pour m’étouffer… Ç