Page:Zola - Fécondité.djvu/458

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a se supporte, et c’est le paradis, à côté du misérable état où cette pauvre Euphrasie est tombée. Vous n’avez pas l’idée d’une ruine pareille, son ménage en a été rompu, son mari vit dans la même pièce avec une autre femme, qui fait la cuisine, qui soigne les trois enfants. Elle, vieillie de vingt ans, molle comme, une chiffe, ne peut même plus donner un coup de balai… Il faut voir ça, c’est à trembler. »

Puis, après un silence, comme le fiacre arrivait rue Caroline :

« Voulez-vous monter la voir ? Vous lui diriez quelques bonnes paroles… Ça me serait agréable, car je vais faire chez elle une commission ennuyeuse. J’avais cru qu’elle aurait la force de fabriquer, comme moi, des petites boîtes, pour gagner au moins quelques sous ; mais voici qu’elle garde l’ouvrage depuis plus d’un mois ; et, si décidément elle ne peut en venir à bout, il faut bien que je le lui reprenne. »

Mathieu consentit. En haut, dans la chambre, ce fut un des spectacles les plus poignants, les plus effroyables qu’il eût jamais vus.

Au milieu de cette unique pièce, où l’on couchait, où l’on mangeait, Euphrasie était assise sur une chaise de paille, et l’on aurait dit une petite vieille de cinquante ans, bien qu’elle en eût à peine trente, si amaigrie, si flétrie, qu’elle ressemblait à un de ces fruits, tout d’un coup privés de sève, qui ont séché sur l’arbre. Ses dents étaient tombées, il ne lui restait que quelques rares cheveux blancs. Mais surtout ce qui caractérisait cette sénilité précoce, c’était une perte incroyable des forces musculaires, une disparition presque complète de la volonté de l’énergie du pouvoir d’agir, à ce point qu’elle restait ainsi maintenant les journées entières, oisive, hébétée, sans avoir le courage de lever un doigt.

Quand Cécile lui eut nommé M. Froment, l’ancien