Page:Zola - Fécondité.djvu/467

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cœurs s’émurent. D’ailleurs, les jours de vacances où la famille faisait la partie d’aller en bande au marché de quelque village, c’était le long des routes une telle galopade, en voiture, à cheval, à bicyclette, les cheveux au vent, parmi de grands rires, que les bonnes gens s’arrêtaient par amusement, tant le spectacle était joli à voir. Les bonnes gens criaient, en façon de plaisanterie : « Voilà la troupe qui passe ! » comme pour dire que rien ne leur résistait, que le pays était à eux par droit de conquête, depuis qu’il en poussait un de plus tous les deux ans. Le pays entier finissait par être à cette joie, à cette santé, à cette force, qui se multipliait ainsi joyeusement, envahissant l’horizon. Et cette fois, après ces deux années, ce fut encore d’une fille, Marguerite, que Marianne accoucha, lorsqu’elle eut son dixième enfant. Les couches se passèrent bien, elle fut pourtant prise ensuite d’une fièvre inquiétante, des accidents de lait qui la désespérèrent un moment, dans la crainte de ne pouvoir nourrir la dernière venue comme elle avait nourri tous les autres. Aussi, lorsque Mathieu la revit debout et souriante, avec la chère petite Marguerite au sein, l’embrassa-t-il passionnément, triomphant par-dessus tous les chagrins et toutes les douleurs. Encore un enfant, encore de la richesse et de la puissance, une force nouvelle lancée au travers du monde, un autre champ ensemencé pour demain.

Et c’était toujours la grande œuvre, la bonne œuvre, l’œuvre de fécondité qui s’élargissait par la terre et par la femme, victorieuses de la destruction, créant des subsistances à chaque enfant nouveau, aimant, voulant, luttant, travaillant dans la souffrance, allant sans cesse, à plus de vie, à plus d’espoir.