Page:Zola - Fécondité.djvu/476

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qui avait préféré se faire meubler un petit hôtel, lorsque la bonne vie à quatre s’était gâtée, avenue d’Antin. C’était même chez sa maîtresse qu’il avait pris rendez-vous, pour signer la vente définitive et totale du domaine de Chantebled. Et, depuis que Gaston était entré à Saint-Cyr, Valentine n’avait donc plus avec elle que ses deux filles, dans la vaste et luxueuse demeure, dont le vent de ruine achevait la destruction lente.

« J’ai envie, reprit-elle, que Gaston demande la permission d’assister au convoi, car je ne suis pas sûre que son père soit à Paris en ce moment… C’est comme notre ami Santerre, il part demain pour un petit voyage. Ah ! il n’y a pas que les morts qui s’en vont, c’est effrayant le nombre des vivants qui s’éloignent, disparaissent… N’est-ce pas ? chère madame, la vie est bien triste ! »

Un petit frisson avait passé sur sa face, la menace de la rupture prochaine qu’elle sentait venir depuis plusieurs mois, dans les habiles préparations dont Santerre l’entourait, quelque projet sourd longtemps mûri, une dernière incarnation du romancier, qu’elle ne devinait pas encore. Elle eut un geste pâmé de dévote.

« Nous sommes dans la main de Dieu. »

Marianne, qui souriait aux deux jeunes filles, toujours muettes, immobiles dans le coupé fermé, changea la conversation.

« Comme elles ont grandi, embelli ! Votre Andrée est adorable… Quel âge a donc votre Lucie ? La voilà bientôt bonne à marier.

— Ah ! bien ! s’écria Valentine, qu’elle ne vous entende pas, vous la feriez fondre en larmes ! Elle a dix-sept ans ; mais, pour la raison, elle n’en a pas douze. Croyez-vous que, ce matin, elle sanglotait, refusait d’aller à cette messe de mariage, en disant que ça la rendait malade ? Elle parle toujours du couvent, il va falloir prendre une décision… Andrée, avec ses treize ans, est déjà beaucoup