Page:Zola - Fécondité.djvu/488

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larmes, défaillit. On l’emporta, on la ramena dans la maison vide, à jamais vide, pareille à un de ces champs foudroyés qui restent nus, frappés de stérilité. La terre avait tout repris.

À Chantebled, Mathieu et Marianne fondaient, créaient, enfantaient. Et, pendant les deux années qui se passèrent, ils furent de nouveau victorieux dans l’éternel combat de la vie contre la mort, par cet accroissement continu de famille et de terre fertile, qui était comme leur existence même, leur joie et leur force. Le désir passait en coups de flamme, le divin désir les fécondait, grâce à leur puissance d’aimer, d’être bons, d’être sains, et leur énergie faisait le reste, la volonté de l’action, la tranquille bravoure au travail nécessaire, fabricateur et régulateur du monde. Mais durant ces deux années, ce ne fut pas sans une lutte constante que la victoire leur resta. Aujourd’hui, elle était complète. Séguin avait, lambeau à lambeau, cédé le domaine entier, dont Mathieu était roi, par sa conquête prudente, élargissant son empire, à mesure qu’il se sentait devenir fort, dans son combat pour les subsistances. La fortune que l’oisif avait dédaignée, gaspillée, passait aux mains du travailleur, du créateur. C’étaient les cinq cents hectares qui se déroulaient d’un bout à l’autre de l’horizon ; c’étaient les bois coupés à présent de larges prairies, où paissaient de nombreux troupeaux, c’étaient les marais desséchés, changés en une grasse terre, débordante de moissons, c’étaient les landes que les sources captées, distribuées au loin, arrosaient, trempaient chaque année d’une fertilité plus grande. Seule, la lande inculte des Lepailleur restait là, comme pour attester le prodige, l’effort humain qui avait engrossé ce désert de sable et de boue, dont les récoltes désormais nourrissaient un petit peuple heureux. Il ne mangeait la part de personne, il avait taillé, défriché sa part, augmentant la richesse commune, subjuguant