Page:Zola - Fécondité.djvu/511

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histoire, vous la savez bien. C’est vrai, je n’étais pas née pour être mère, ni même épouse. J’ai eu deux fausses couches, je ne les ai jamais regrettées. Quant à mon mari, je ne l’ai pas pleuré davantage, c’était un fou dangereux. Ensuite, veuve, j’étais libre de vivre à ma guise n’est-ce pas ? On ne peut me reprocher aucun scandale, j’ai gardé mon rang, j’ai fait ce qu’il m’a plu, les portes fermées… Une créature d’amour, uniquement de beauté, de volupté, oui, voilà bien ce que j’ai rêvé d’être, de toute ma force, de tout le désir dont je brûlais. Et c’est vrai encore, je vous ai menti autrefois lorsque je vous ai raconté que j’étais malade, afin d’expliquer l’opération à laquelle je feignais de me résigner. D’ailleurs, vous ne devez pas avoir été ma dupe, c’était trop clair… Ah ! j’avoue ! j’ai cédé à cette folie d’être la maîtresse de mon plaisir, de le prendre comme je voudrais, autant que je voudrais, sans être continuellement inquiétée, empêchée par la crainte imbécile de l’enfant. Et je me suis fait opérer pour être à part, libérée de la nature, supérieure ainsi qu’une chair divine, hors de la loi. Et je n’ai eu que la faim de connaître où peut monter la jouissance humaine, dans toutes les étreintes, impunément… J’avoue, j’avoue ! J’ai beau être foudroyée, je recommencerais demain si l’expérience était à refaire, je ne résisterais pas au besoin de tenter encore l’infini du plaisir. »

Ce cri, qui lui échappait, l’avait à demi soulevée, dans une sorte d’exaltation farouche. Elle continua, elle osa dire son triomphe, au lendemain de l’opération, lorsqu’elle avait senti d’abord ses désirs croître, sous les blessures irritées du fer. C’était bien la nature battue, le spasme décuplé, l’accueil fait sans danger à tous les amants. Puis, la lente déchéance avait commencé, une sénilité précoce, dont les symptômes, un à un, se déclaraient. Elle n’était plus femme, il semblait que le sexe, amputé,