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Page:Zola - Fécondité.djvu/52

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pays, était que jamais cultivateur n’en tirerait rien de bon. Seul, le fournisseur des armées avait pu y voir le parc romantique qu’il rêvait à l’entour de sa royale demeure ; sans compter qu’il s’était fait autoriser à joindre, au nom de Séguin, ce titre du Hordel, emprunté à une sorte de tour en ruine, le Hordel, qui se trouvait dans la propriété.

C’était par Beauchêne, un des chasseurs actionnaires, que Mathieu avait connu Séguin et découvert, à la lisière des bois, l’ancien rendez-vous de chasse, la masure solitaire, si paisible, dont il était tombé amoureux, au point de la louer et de s’y réfugier avec les siens. Valentine, qui traitait gentiment Marianne en amie pauvre, avait même poussé l’amabilité jusqu’à la venir voir, au moment de son installation ; et elle s’était récriée sur la poésie du site, riant de son ignorance de propriétaire, ne sachant rien de sa propriété. La vérité était qu’elle n’aurait pas vécu là une heure. Son mari l’avait lancée éperdument dans la brûlante vie du Paris littéraire, artistique et mondain, courant en sa compagnie les cénacles, les ateliers et les expositions, les théâtres et les lieux de plaisirs, tous les brasiers où les têtes peu solides, les cœurs vacillants se détraquent. Lui qui, en son besoin de paraître, se mourait d’ennui partout, n’était vraiment à l’aise, de plain-pied, qu’avec ses chevaux, malgré ses prétentions à la littérature, à la philosophie exaspérées de demain, malgré ses collections d’objets d’art niés encore des bourgeois, ses meubles, ses grès, ses étains, ses reliures surtout, dont il était fier. Et il faisait sa femme à son image, la pervertissait par l’extravagance voulue de ses opinions, la salissait par des promiscuités, des camaraderies, qu’il jugeait élégamment audacieuses ; de sorte que la petite dévote qu’on lui avait confiée était en marche pour toutes les folies, communiant toujours, mais professant déjà le péché, se familiarisant chaque