Page:Zola - Fécondité.djvu/536

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si digne, la prestance renseigne décorative, morale et bourgeoise de l’établissement avait paru sensible. Mais il s’était trouvé qu’Herminie, bourrée de romans, longue, exsangue, promenant d’un air de langueur sa virginité fade, au milieu du lait débordant des nourrices, était aussi d’une représentation distinguée, flatteuse pour la clientèle. À trente ans déjà, elle ne s’était pas encore mariée, sans désirs comme dégoûtée par toutes ces filles à grosse gorge, les bras chargés d’enfants pleurards. Et, d’ailleurs, le père, M. Broquette malgré ses soixante-cinq ans sonnés, restait secrètement l’âme toute-puissante et remuante de la maison, faisant la police intérieure, instruisant les nourrices nouvelles ainsi que des recrues, le nez et la main partout, dans un continuel galop au travers des trois étages de son vague et louche hôtel garni.

La Couteau attendait Mathieu, sous le porche. En apercevant Constance, qu’elle ne connaissait pas, qu’elle n’avait jamais vue, elle parut surprise. Quelle était donc cette dame, qu’avait-elle à voir dans l’affaire ? Du reste, elle éteignit tout de suite la curiosité vive dont ses yeux avaient flambé. Et, comme Herminie, avec une distinction nonchalante, occupait le bureau, où elle déballait un lot de nourrices devant deux messieurs, la meneuse fit entrer son monde dans le réfectoire, alors vide, empoisonné par une horrible odeur de graillon.

« Excusez-moi, monsieur et madame, il n’y a pas d’autre coin libre. La maison regorge. »

Puis, elle promena ses regards aigus de Mathieu à Constance, préférant être interrogée, puisqu’il y avait une personne nouvelle dans le secret.

« Vous pouvez parler librement… Avez-vous fait les recherches dont je vous ai chargée ?

— Parfaitement, monsieur. Tout est fait et bien fait, je crois.