Page:Zola - Fécondité.djvu/543

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ne veux pas ! Mais j’en perdrais la tête ! Un grand garçon de quinze ans, qui me tomberait comme ça, que je ne connais pas, que je n’aime pas !… Oh ! non, oh ! non, empêchez-le, je ne veux pas, je ne veux pas ! »

Elle s’était mise à fondre en larmes, elle avait saisi d’un geste éperdu le petit qui se trouvait près d’elle, et elle le serrait sur sa poitrine, comme pour le défendre contre l’autre, l’inconnu, l’étranger, dont la résurrection menaçait de lui voler un peu de sa place.

« Non, non ! je n’ai qu’un enfant, je n’en aime qu’un, je ne veux pas de l’autre, jamais, jamais ! »

Très émue, Cécile s’était levée, désirant lui faire entendre raison. S’il venait pourtant, comment le mettre à la porte ? Et elle aussi pleurait déjà leur bonheur, malgré sa pitié inquiète pour l’abandonner. Il fallut que Mathieu les rassurât, en leur jurant qu’une pareille visite lui semblait tout à fait improbable. Sans leur conter l’histoire vraie, il dit la disparition de l’enfant, l’ignorance où il devait être du nom même de sa mère. Et, quand il les quitta, les deux sœurs collaient de nouveau leurs petites boîtes, soulagées, riant au gamin, à qui elles avaient rendu les ciseaux, pour qu’il découpât des bonshommes.

En bas, au coin de la rue, Constance, dans une mortelle impatience, allongeait la tête en dehors de la voiture, guettant de loin la porte.

« Eh bien ? demanda-t-elle, frémissante, dès que Mathieu fut près d’elle.

— Eh bien ! la mère ne sait rien, n’a vu personne, c’était certain à l’avance. »

Elle plia les épaules, comme sous un écroulement suprême tandis que sa face blême se décomposait.

« C’était certain, vous avez raison. Mais on espère toujours. »

Et, avec un geste d’anéantissement :