Page:Zola - Fécondité.djvu/574

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la venue leur apportait comme un renouveau d’espoir. Au début de l’hiver, un autre deuil avait frappé la famille. Blaise avait perdu son petit Christophe, à deux ans et demi, victime du croup. Mais, par une sorte de compensation, Charlotte se trouvait de nouveau enceinte, de quatre mois déjà, et la douleur des premiers jours s’était changée en une attente émue. Puis, l’étroit appartement sentait bon, tout parfumé de la grâce blonde d’Andrée, tout ensoleillé du charme victorieux d’Ambroise, un couple de beaux amoureux qui s’adoraient, qui partaient bravement, au bras l’un de l’autre, à la conquête du monde. Et il y eut, en outre, pendant le déjeuner, le gros appétit les gros rires de Beauchêne, le compère, très occupé de sa commère Valentine, plaisantant, lui faisant une cour outrée, dont elle s’amusait elle-même, si mince à quarante-cinq ans, qu’elle jouait, encore les jeunes filles, bien qu’elle fût grand-mère, elle aussi. Seule, Constance restait grave, ne daignant sourire que d’un léger pli de ses lèvres minces, tandis que, par moments, une ombre d’atroce souffrance passait sur sa face séchée, lorsque son regard se promenait autour de cette table réjouie, d’où se levait, malgré les deuils récents, une force nouvelle d’invincible avenir.

Vers trois heures, Blaise quitta la table, sans vouloir que Beauchêne reprît de la chartreuse.

« C’est vrai, mes enfants, il a raison, finit par dire celui-ci, docile. On est très bien chez vous, mais il faut absolument que nous rentrions à l’usine. Et nous allons vous enlever Denis, nous avons besoin de ses lumières pour toute une grosse histoire de construction… Voilà comme nous sommes, nous autres. Nous ne boudons pas contre le devoir. »

Constance s’était également levée.

« La voiture doit être en bas, est-ce que tu la prends ?