Page:Zola - Fécondité.djvu/597

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plus une âme, plus un souffle de cette vapeur qui était comme l’haleine même de la maison. Le chef était mort, elle était morte. Puis, leur effroi s’accrut, lorsqu’ils passèrent de l’usine à l’hôtel, au milieu de cette absolue solitude, la galerie ensommeillée, l’escalier frissonnant, toutes les portes ouvertes, en haut, ainsi qu’en une demeure inhabitée, abandonnée depuis longtemps. Dans l’antichambre, ils ne rencontrèrent pas un domestique. Et c’était bien le même drame de mort soudaine qu’ils recommençaient, qu’ils revivaient, mais c’était leur fils, cette fois, qu’ils allaient trouver dans la même chambre, sur le même lit, glacé, pâle et sans vie.

Blaise venait d’expirer. Boutan était là, au chevet, tenant la main inanimée, où la dernière pulsation du sang s’éteignait. Et, quand il vit entrer Mathieu et Marianne, qui, d’instinct, avaient franchi le salon en désordre, s’étaient précipités dans cette chambre dont ils reconnaissaient l’odeur de néant, il ne put que murmurer, les yeux pleins de grosses larmes :

« Mes pauvres amis, embrassez-le, vous aurez encore un peu de son dernier souffle. »

Le petit souffle cessait à peine, et la pauvre mère, le pauvre père s’étaient rués, baisant ces lèvres d’où s’exhalait le frisson de vie, sanglotant, criant leur détresse. Leur Blaise était mort. Comme Rose, à une année de distance, il était mort brusquement, le jour d’une fête. La plaie de leur cœur, encore mal fermée, se rouvrait, en un déchirement tragique. Dans leur long bonheur, c’était le second rappel terrible à la misère humaine, c’était le second coup de hache qui s’abattait, en pleine poussée de la famille saine et heureuse. Et leur effroi grandissait : n’avaient-ils pas fini de payer au malheur leur dette amassée ? était-ce donc la destruction lente qui arrivait maintenant, coup à coup ? Déjà, depuis le départ de leur Rose au milieu des fleurs, ils avaient eu