Page:Zola - Fécondité.djvu/618

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tête basse sous ce flot de paroles qui l’accablaient, la rendaient honteuse, comme sous une aggravation de sa défaite. Et elle venait de relever la face, où coulaient deux grosses larmes.

« Alexandre !

— Quoi donc, ma chère ? »

Il ne comprenait pas encore. Puis, en la voyant pleurer, il finit par être pris d’un trouble, dans sa belle assurance. Il regarda les autres, voulut avoir le dernier mot.

« Ah ! oui, notre pauvre enfant… Mais les cas particuliers n’ont rien à voir dans la théorie, les idées restent les idées. »

Il y eut un lourd silence, on se retrouvait d’ailleurs près de la pelouse, où la famille était restée. Et, depuis un instant, Mathieu ; songeait à Morange, qu’il avait invité, mais qui s’était excusé comme pris de terreur devant cette joie des autres, inquiet aussi d’un tel voyage, d’une absence pendant laquelle il redoutait toutes sortes d’attentats contre le mystérieux sanctuaire de son culte. Se serait-il également obstiné dans ses idées d’autrefois, Morange ? Aurait-il encore défendu la théorie de l’enfant unique, l’exécrable calcul d’ambition qui lui avait coûté sa femme et fille ? Et sa figure éperdue passait, blême, sous l’orage trop rude pour son pauvre crâne de médiocre, et il piétinait d’un pas de maniaque, il marchait à quelque fin énigmatique, guetté par la démence. Mais la vision lugubre disparut, la pelouse s’étendait de nouveau sous le joyeux soleil, offrant, dans son cadre de grands arbres, un tel tableau de santé heureuse, de beauté triomphante que Mathieu rompit le silence de deuil, en criant malgré lui :

« Voyez donc, voyez donc ! Est-ce gai, est-ce délicieux ces chères femmes, ces chers enfants, dans toute cette verdure ! On devrait peindre cela, pour apprendre aux gens combien il est sain et beau de vivre. »