Page:Zola - Fécondité.djvu/63

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monde entier suivra certainement, à mesure que les peuples atteindront, chacun à son tour, notre état de perfection. De toutes parts, d’ailleurs, des symptômes se manifestent.

— Évidemment ! appuya Séguin. S’il y a chez nous des causes secondaires de dépopulation, elles n’ont pas l’importance qu’on prétend, et l’on pourrait les combattre. Le phénomène est général, toutes les nations sont atteintes, décroissent ou décroîtront, dès qu’elles se civiliseront davantage. Le Japon est touché, la Chine elle-même s’arrêtera, le jour où l’Europe en aura forcé les portes.

Devenu grave, Mathieu écoutait, depuis que les deux mondains, qu’il avait là, devant lui, en habit et en cravate blanche, disaient des choses raisonnables. Il n’était plus question de la vierge exsangue et plate, sans sexe, dont ils faisaient l’idéal de beauté humaine. C’était l’humanité vivante, frémissante, qui déroulait son histoire. Il réfléchit tout haut.

— Alors, vous ne craignez plus le péril jaune, ce terrible pullulement des barbares asiatiques qui devaient, à un moment fatal, déborder sur notre Europe, la bouleverser et la féconder de nouveau ?… Toujours l’histoire a recommencé ainsi, par des déplacements brusques d’océans, par des invasions de peuples brutaux venant redonner du sang aux peuples affaiblis. Et, chaque fois, la civilisation a refleuri, plus large et plus libre… Comment Babylone, Ninive, Memphis sont-elles tombées en poussière, avec leurs peuples qui semblent être morts sur place ? Comment Athènes et Rome agonisent-elles aujourd’hui encore, sans pouvoir renaître de leurs cendres, dans l’éclat de leur gloire ancienne ? Comment Paris est-il touché dès maintenant par la mort, malgré sa splendeur, capitale d’une France dont la virilité s’affaiblit ? Vous aurez beau raisonner, dire qu’à l’exemple des