Page:Zola - Fécondité.djvu/630

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instinctive, à la pensée que, si elle livrait le nom de Beauchêne, ce serait peut-être compromettre toute sa vie heureuse, au milieu des complications terribles qui pourraient se produire. Sa peur de ce garçon louche, qui suait la paresse et le vice, l’inspira.

« Votre père, il y a longtemps qu’il est mort. »

Sans doute il ne savait rien, il n’avait rien appris de ce côté, car il ne douta pas, tant elle avait mis d’énergique vouloir dans son affirmation. Il n’eut qu’un geste brutal, disant sa colère de voir ainsi détruite l’espérance vorace de sa démarche.

« Faut donc crever de faim ! »

Norine, bouleversée, n’avait qu’un besoin douloureux, qu’il ne fût plus la, qu’il ne la torturât plus par sa présence, tant son pauvre cœur saignant était à la fois plein de remords, de pitié, d’épouvante et d’horreur. Elle ouvrit un tiroir, y prit une pièce de dix francs, des économies de trois mois, qu’elle destinait aux étrennes de l’enfant. Et, les donnant à Alexandre :

« Écoutez, je ne puis rien faire pour vous. Nous vivons trois dans cette chambre, nous avons à peine du pain… Cela me chagrine beaucoup de vous savoir malheureux. Mais il ne faut pas compter sur moi… Faites comme nous, travaillez. »

Il avait empoché les dix francs, il resta un instant encore à se dandiner à dire qu’il n’était pas venu pour ça, qu’il savait comprendre les choses. Il se conduisait bien avec les gens, quand les gens se conduisaient bien avec lui. Et il répéta que son idée n’était pas de faire du scandale, du moment qu’elle se montrait gentille. Une mère qui partageait, accomplissait son devoir, ne donnât-elle que dix sous.

Puis comme il partait enfin :

« Ne voulez-vous pas m’embrasser ? »

Elle l’embrassa, les lèvres froides, le cœur mort. Elle