Page:Zola - Fécondité.djvu/653

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là le dieu créateur, l’oracle questionné, écouté, obéi. Dans l’ancien rendez-vous de chasse, transformé, agrandi en large et confortable maison d’habitation, il vivait tendrement avec Marianne, tels tous deux que des fondateurs de dynastie, retirés dans leur gloire, n’ayant plus que la joie de voir pousser à leur entour la lignée innombrable, les enfants de leurs enfants. En dehors de Claire et de Gervais, il n’y avait encore que Denis et Ambroise, envolés du nid les premiers, menant à Paris leur fortune. Dans la maison heureuse, avec les parents, se trouvaient toujours les trois filles, Louise, Madeleine et Marguerite, bientôt bonnes à marier, sans compter les trois derniers garçons, Grégoire, de libre allure, Nicolas, têtu en sa volonté, Benjamin, à l’enfance rêveuse. Tout ce petit monde achevait de grandir, au bord du nid, à la fenêtre de la vie qui s’ouvrait, en attendant que chacun prît son vol à son tour. Et il y avait aussi là Charlotte, la veuve de Blaise, avec ses deux enfants, Berthe et Guillaume, occupant à eux trois l’étage supérieur, où la mère avait installé son atelier de peinture. Elle devenait riche, depuis que sa petite part dans les bénéfices de l’usine, réservée par Denis, croissait d’année en année ; mais elle n’en travaillait pas moins pour son marchand de miniatures, son argent de poche, disait-elle gaiement, un cadeau qu’elle ferait à ses enfants, le jour de leur mariage. Déjà, l’on songeait à celui de Berthe. Ce serait sûrement la première petite-fille de Mathieu et de Marianne qui se marierait ; et ils s’égayaient délicieusement à cette idée d’être arrière-grand-père et arrière-grand-mère.

Quatre ans plus tard, Grégoire, le premier, s’envola. Et il y eut de gros ennuis, tout un drame, que les parents, d’ailleurs, sentaient venir depuis quelque temps. Grégoire n’était pas raisonnable. Il avait toujours été le turbulent, l’inquiétant de la famille, ramassé dans sa petite taille