Page:Zola - Fécondité.djvu/652

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retour de la mairie. Mais n’était-ce pas un lien de plus, cet amour d’autrefois, la longue tendresse de ce garçon fidèle qui s’était reportée sur la sœur cadette, depuis tant d’années qu’il travaillait à la ferme ? Il n’avait aucune fortune, il n’apportait que cette fidélité constante, la sorte de fraternité qui s’était nouée entre Gervais et lui, pendant les saisons si nombreuses où ils avaient labouré le domaine, côte à côte, comme deux bœufs infatigables, attelés à la même charrue. C’était le cœur dont on ne pouvait douter, l’aide devenu indispensable, le mari qui serait la bonne entente absolue, le bonheur certain.

Dès lors, la direction de la ferme se trouva fixée. Mathieu, à cinquante-cinq ans à peine, venait d’abdiquer sa royauté aux mains de Gervais, l’enfant de la terre, comme il le nommait en riant, celui qui, le premier, avait poussé là, qui ne l’avait jamais quitté, son bras, son cerveau, son cœur de tous les instants. Et Frédéric allait être à son tour la pensée et l’effort de Gervais le lieutenant dévoué, dans la besogne commune. À eux deux désormais, ils continueraient l’œuvre du père, perfectionnant les modes de culture, faisant construire par Denis, à l’usine Beauchêne, des machines nouvelles, tirant de la terre toute l’intense moisson qu’elle pouvait donner. De même les deux femmes s’étaient partagé l’empire, Claire ayant cédé à Caroline, plus forte, plus remuante, la surveillance active, pour ne s’occuper elle-même que des comptes, du roulement considérable de l’argent, ce qu’on dépensait, ce qu’on encaissait. On aurait dit les deux ménages comme choisis, accouplés savamment, de façon à rendre la plus grande somme de travail possible, sans qu’on eût à craindre le moindre conflit. Et ce fut en effet la communauté parfaite, une volonté unique du mieux toujours réalisé, l’allégresse et la richesse de Chantebled sans cesse accrues, sous le bienveillant soleil.

Mais, si Mathieu avait abdiqué le pouvoir effectif, il restait