Page:Zola - Fécondité.djvu/655

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amourette enfantine d’autrefois, les escapades à deux le long de la petite rivière, les festins de mûres sauvages, au fond des bois, dans des cachettes introuvables. Et il semblait bien que la tendresse se fût rallumée, flambant désormais en un incendie dévorateur, tant il devenait rose, les yeux brûlants, à parler ainsi de ces choses lointaines.

« Cette pauvre Thérèse avec qui, depuis des années, j’étais brouillé à mort, parce qu’un soir, au retour de la fête de Vieux-Bourg, je l’avais poussée dans une mare, où elle s’était sali sa robe… C’est vrai que, ce printemps, nous nous sommes réconciliés, en nous retrouvant nez à nez dans le petit bois de Monval, là-bas. Mais, voyons, père, est-ce que c’est un crime, s’il nous arrive de causer avec plaisir ensemble, quand nous nous rencontrons ? »

Rendu plus inquiet par la chaleur qu’il mettait à se défendre, Mathieu voulut préciser.

« Un crime, non, si vous vous dites bonjour et bonsoir. Seulement on raconte qu’on vous voit, la nuit tombée, les bras à la taille et quelqu’un prétend même vous avoir aperçus couchés dans les hautes herbes des berges de l’Yeuse, rêvant aux étoiles. »

Puis, cette fois, comme Grégoire riait plus haut, d’un beau rire de jeunesse, sans répondre, il reprit gravement : « Écoute, mon garçon, je n’ai aucunement le goût d’aller faire le gendarme derrière mes fils… Ce que je ne veux pas, c’est que tu nous attires quelque vilaine histoire avec les Lepailleur. Tu connais la situation, ils seraient enchantés de nous être désagréables. Ne leur donne donc pas un prétexte de se plaindre, laisse leur fille tranquille.

— Oh ! je suis prudent, cria le jeune homme, dans un brusque aveu. La pauvre petite ! elle a reçu des gifles déjà, car on est allé aussi raconter au père qu’on me