Page:Zola - Fécondité.djvu/660

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matin du jour où Mathieu se présenta, elle y était repartie, après une querelle affreuse avec le père, qui demandait quand leur vaurien de fils finirait de se ficher d’eux et de manger leurs quatre sous, sans avoir seulement le courage de retourner une motte de terre.

Seul dans le moulin, ce matin-là, Lepailleur ne décoléra pas. Il aurait cassé la charrue à coups de marteau, se serait rué sur la vieille roue, la hache à la main, fou de haine, pour venger son malheur. Quand il vit Mathieu entrer, il crut à une bravade, il suffoqua.

« Voyons, mon voisin, dit cordialement le maître de Chantebled, tâchons être raisonnables tous les deux… Je vous rends votre visite, puisque vous êtes venu hier. Seulement, les mauvaises paroles n’ont jamais fait de bonne besogne, et le mieux, voyez-vous, puisque le malheur est arrivé, serait de le réparer le plus tôt possible… Quand voulez-vous qu’on marie ensemble ces mauvais enfants ? »

Saisi par la tranquille bonhomie de cette attaque directe, Lepailleur ne répondit pas tout de suite. Il avait crié sur les toits qu’il ne voulait pas d’un mariage, mais d’un procès, pour envoyer tous les Froment en prison. Pourtant, un fils du grand fermier n’était point un gendre qu’on dédaignât, à la réflexion.

« Les marier, les marier, bégaya-t-il, oui ! leur attacher une même pierre au cou, pour les flanquer à l’eau… Ah ! les saletés, j’aurai leur peau, à elle comme à lui ! »

Il se calmait cependant, acceptait même de causer, lorsqu’un gamin de Janville, galopant, traversa la cour.

« Qu’est-ce que tu veux, toi ?

— Monsieur Lepailleur, c’est une dépêche.

— Bon ! donne. »

Et le gamin, heureux de son sou de pourboire, était déjà reparti, que le meunier examinait encore la dépêche, sans l’ouvrir, de l’air de méfiance des gens qui n’en