Page:Zola - Fécondité.djvu/659

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qui voulaient lui renfoncer ses grossièretés dans la gorge. Quand Mathieu rentra le soir, il fut très chagrin.

« C’est impossible que la situation continue, dit-il à sa femme, en se couchant. Nous avons l’air de nous cacher, d’être des coupables. Demain, j’irai voir cet homme… Il n’est qu’un arrangement bien simple, c’est de marier ces malheureux enfants. Nous autres, nous consentons, n’est-ce pas ? Cet homme a tout profit à consentir de même… Demain, il faut terminer l’affaire. »

À deux heures, ce lundi-là, Mathieu se dirigea donc vers le Moulin. Mais toute une complication, tout un drame imprévu l’y attendait. Depuis des années, une lutte sourde, têtue, avait grandi entre Lepailleur et sa femme, au sujet d’Antonin. Tandis que le père s’était exaspéré davantage de sa paresse, de sa vie de basse débauche, sur le pavé de Paris, la mère avait mis à le soutenir d’une obstination de femme illettrée, d’une foi aveugle en la belle écriture de son enfant, convaincue que, s’il n’arrivait pas, c’était qu’on lui refusait l’argent nécessaire. Malgré son avarice sordide, elle continuait à se saigner, à voler même le ménage, les griffes dehors, les dents prêtes à mordre, lorsque prise sur le fait, au moment d’envoyer vingt francs, il lui fallait les défendre. Chaque fois, la bataille recommençait, à croire que le vieux moulin allait crouler. Puis, Antonin, fini, pourri à trente-six ans, retomba malade. Du coup, Lepailleur déclara que, s’il revenait avec sa sale maladie, il le flanquerait à la rivière, par-dessus la roue. Antonin, d’ailleurs, ne désirait pas du tout rentrer, ayant pris l’horreur des champs craignant d’être tenu par son père à l’attache, comme un chien. Et la mère l’avait mis en pension, du côté des Batignolles, chez des gens, où un médecin du quartier le soignait. Cela durait depuis trois mois, elle allait le voir tous les quinze jours. Le jeudi, elle y était allée, lorsque, le dimanche soir, elle avait reçu une dépêche l’appelant. Et, le lundi, le