Page:Zola - Fécondité.djvu/666

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Sophie. Gervais, à la ferme, comptait déjà deux garçons, Léon, Henri, tandis que Claire, plus active en besogne, quoique plus jeune, comptait trois enfants, un garçon, Joseph, deux filles, Lucile, Angèle. Et c’était aussi Grégoire, au Moulin, qui avait un gros garçon, Robert. Et s’étaient encore les dernières mariées, Louise avec une fille de deux ans, Colette, puis Madeleine avec un garçon de six mois, Hilaire, puis Marguerite enceinte, sur le point d’accoucher, dont on devait nommer l’enfant Sébastien, si elle avait un garçon, Christine, si elle avait une fille. De toutes parts, le chêne familial allongeait ses branches, le tronc se bifurquait, se multipliait, des ramures s’ajoutaient aux ramures, à chaque saison nouvelle, et Mathieu n’avait pas soixante ans, et Marianne n’en avait pas cinquante-sept, d’une gaieté, d’une santé, d’une force encore florissante, dans la continuelle joie de voir ce coin d’humanité qui avait poussé d’eux, s’accroître sans fin, envahir le sol à leur entour, tel qu’une forêt née d’un seul arbre.

Mais la grande fête qui glorifia Chantebled, à cette époque, ce fut, neuf mois après le mariage de Berthe, la petite-fille, une naissance nouvelle, une fillette encore, Angeline, la première arrière-petite-fille de Mathieu et de Marianne. En cette fillette rose, revivait Blaise, toujours regretté, et elle lui ressemblait tellement, dès sa naissance, que Charlotte, déjà grand-mère à quarante-deux ans, en pleura. Mme Desvignes était morte six mois plus tôt, s’en allant douce et discrète, comme elle avait vécu, après avoir achevé sa tâche, qui semblait n’avoir été que d’élever, de marier ses deux filles, dans le désastre de sa fortune. Pourtant, c’était elle encore, avant de disparaître, qui avait trouvé pour sa petite-fille Berthe le mari attendu, Philippe Havard, un jeune ingénieur, qu’on venait de nommer à la sous-direction d’une usine de l’État, près de Mareuil. Et les couches se firent à Chantebled, et la famille entière, le jour des relevailles, voulut