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Page:Zola - Fécondité.djvu/673

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de Constance. Depuis qu’il avait perdu son fils, Beauchêne s’était abandonné davantage, cédant à l’égoïsme de son plaisir, se désintéressant de sa maison, pour courir la gueuse. À quoi on la défendre, cette maison, puisque l’héritier n’était plus là, qui la recueillerait, élargie, enrichie ? Et il l’avait de la sorte livrée par lambeaux aux mains de Denis, son associé, qu’il laissait peu à peu devenir le seul maître. Denis, lors de son arrivée, n’avait eu d’abord qu’une part, sur les six parts qui représentaient la propriété totale de l’usine, d’après leur traité ; et encore Beauchêne s’était-il réservé le droit de racheter cette part, dans de certains délais. Mais loin d’être en mesure, à l’époque du rachat, il avait dû céder au jeune homme une part nouvelle, pour se libérer de dettes inavouables. Puis, dès lors, c’était devenu comme une habitude prise, il lui avait fait une cession pareille tous les deux ans, la troisième part était allée d’abord rejoindre la deuxième, ensuite le tour était venu de la quatrième, de la cinquième, si bien qu’aujourd’hui, à la suite d’un dernier arrangement, il n’avait pas même gardé une part entière, mais seulement un débris de la sixième part, à peine une centaine de mille francs. Et encore était-ce là une simple fiction, car Denis ne lui avait reconnu cette somme que pour y trouver le prétexte de lui servir une rente, qu’il partageait, d’ailleurs, et dont il versait à Constance la moitié, chaque mois.

Celle-ci n’ignorait donc rien de la situation. Elle savait que l’usine, en fait, serait à ce fils des Froment exécrés, le jour où il voudrait balayer l’ancien maître, qu’on ne voyait même plus dans les ateliers. Il y avait bien une clause du traité qui admettait, tant que ce traité ne serait pas rompu, la possibilité de racheter d’un coup toutes les parts. Était-ce donc cet espoir fou, la croyance à un miracle, à quelque sauveur lui tombant du ciel, qui la tenait ainsi, rigide et têtue, attendant le destin ? Ces