Page:Zola - Fécondité.djvu/680

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pourtant, elle n’entama point le sujet grave, bien que la bonne les eût laissés seuls, après avoir servi d’un coup tout le frugal repas. Elle causa de l’usine, elle finit par en venir à Denis, à sa femme Marthe, qu’elle critiquait, elle eut même le tort de trouver Hortense mal élevée, laide, sans grâce. Et le comptable, lâchement, l’écoutait, n’osait protester, malgré le soulèvement irrité de tout son être.

« On verra bien, dit-elle pour conclure, lorsque chacun va se trouver remis en sa place. »

Elle attendit d’être de retour dans le petit salon, elle ne parla que les portes fermées, près du feu, au milieu du grand silence de cette soirée d’hiver.

« Mon ami, comme je crois vous l’avoir dit déjà, je vais avoir besoin de vous… Il faut que vous fassiez entrer à l’usine un jeune homme auquel je m’intéresse. Vous le prendrez même à votre bureau, si vous désirez m’être agréable. »

Assis de l’autre côté de la cheminée, en face d’elle, il la regarda surpris.

« Mais je ne suis pas le maître, adressez-vous au patron, il fera certainement tout ce que vous voudrez.

— Non, j’entends ne rien devoir à Denis… Puis, cela n’entre pas dans mes projets. C’est vous qui recommanderez mon jeune homme, c’est vous qui le prendrez comme aide, qui l’installerez, qui l’instruirez… Voyons, vous avez bien le pouvoir d’imposer un employé ? D’ailleurs, je le veux. »

Elle parlait en souveraine, il plia les épaules n’ayant jamais fait qu’obéir, d’abord à sa femme, puis à sa fille, maintenant à cette vieille reine déchue, qui le terrorisait, malgré l’obscure rébellion peu à peu grandie en lui, depuis quelque temps. Et il osa la questionner.

« Sans doute, je puis le prendre… Qui est-ce, ce jeune homme ? »