Page:Zola - Fécondité.djvu/709

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famille était en guerre, elle en avait fermé la porte, elle ne voulait la rouvrir que pour tous ses enfants réconciliés, s’ils lui donnaient un jour le grand bonheur de revenir s’embrasser tous chez elle. Mais elle désespérait de cette guérison, de l’unique joie qui l’aurait fait revivre. Et, ce pâle soir, comme Mathieu était venu s’asseoir près d’elle, la main dans la main, à leur habitude, ils ne parlèrent pas d’abord, ils regardèrent devant eux le déroulement de la plaine, le domaine dont les champs sans fin se perdaient sous la brume, le moulin là-bas, au bord de l’Yeuse, avec sa haute cheminée qui fumait, Paris lui-même derrière l’horizon, d’où montait le nuage fauve d’un immense feu de forge.

Les minutes se passaient. Mathieu, dans l’après-midi, avait longtemps marché, jusqu’aux fermes de Mareuil et de Lillebonne, pour lasser son tourment. Et il dit enfin, à demi-voix, comme se parlant à lui-même :

« Jamais les labours ne se feront dans des conditions meilleures. Là-bas, sur le plateau, la qualité des terres a gagné encore par la récente méthode de culture, l’humus des anciens marais s’est allégé sous la charrue, et, de même, ici, sur les pentes, les terres sablonneuses se sont beaucoup enrichies, à la suite de la nouvelle distribution des sources imaginée par Gervais. Depuis que le domaine est entre ses mains et entre celles de Claire, il a presque doublé de valeur. C’est une constante prospérité, la victoire par le travail est sans limites.

— À quoi bon, si l’amour n’est plus ? murmura Marianne.

— Puis, continua Mathieu, après un silence, je suis descendu jusqu’à l’Yeuse, et de loin j’ai vu que Grégoire avait reçu la nouvelle machine que Denis vient de construire pour lui. On la déchargeait dans la cour. Elle active les meules, paraît-il, d’un mouvement qui économise un bon tiers de la force. Avec des outils pareils, la