Page:Zola - Fécondité.djvu/710

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terre peut produire des océans de blé pour des peuples innombrables : tous auront du pain. Et c’est de la richesse encore que va créer cette machine du moulin, de son grand souffle régulier.

— À quoi bon, si l’on se hait ? » répéta Marianne.

Alors, Mathieu se tut. Mais, comme il l’avait résolu pendant sa promenade, il dit à sa femme, en se couchant, qu’il irait passer la journée du lendemain à Paris ; et, la voyant surprise, il prétexta une affaire, une ancienne créance, un règlement de compte. Ce n’était plus possible, cette lente mort de Marianne, dont lui-même agonisait. Il voulait agir, tenter la suprême réconciliation.

Le lendemain, dès dix heures, Mathieu, en débarquant à Paris se fit conduire directement de la gare du Nord à l’usine de Grenelle.

Avant tout, il voulait voir Denis, qui, jusqu’à ce jour, n’avait pas pris parti dans la querelle. Depuis longtemps déjà, au lendemain de la mort de Constance, Denis s’était installé dans l’hôtel du quai avec sa femme Marthe et ses trois enfants. Il y avait eu là comme une prise de possession totale de l’usine, la conquête décisive du palais luxueux où régnait le maître. Cependant, Beauchêne devait vivre plusieurs années encore, mais son nom ne figurait plus dans la raison sociale, il avait cédé son dernier lambeau de propriété contre une rente qui lui était servie. Un soir enfin, on avait appris qu’il était mort chez ces dames, la tante et la nièce, au sortir d’un copieux déjeuner, foudroyé sur un divan par une attaque d’apoplexie, et il semblait avoir fini en état d’enfance, mangeant trop, s’amusant trop, avec ces dames, à des choses qui n’étaient plus de son grand âge. C’était la mort du mâle égoïste, du mari fraudeur battant le pavé, le dernier coup de balai à l’égout, qui achevait la race.

« Tiens ! quel bon vent t’amène ? s’écria gaiement Denis, lorsqu’il aperçut son père. Viens-tu déjeuner ? Tu