Page:Zola - Fécondité.djvu/729

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perte de vue, roulant une prodigieuse fertilité sous l’adieu du soir, disant la lutte, l’enfantement héroïque de toute leur existence. C’était leur œuvre, ce qu’ils avaient enfanté de vie, d’êtres et de choses, dans leur puissance d’aimer, dans la volonté de leur énergie, aimant, voulant, agissant, créant un monde.

« Vois donc, vois donc, murmura Mathieu, avec un grand geste, tout cela est né de nous, et il faut nous aimer encore, être heureux encore, pour que tout cela vive.

— Ah ! répondit Marianne gaiement, cela vivra toujours désormais, puisque nous venons de nous embrasser tous, dans la victoire. »

La victoire ! la victoire naturelle, nécessaire de la famille nombreuse ! Grâce à la famille nombreuse, à la poussée fatale du nombre, ils avaient fini par tout envahir, par tout posséder. La fécondité était la souveraine, l’invincible conquérante. Et cette conquête, elle s’était faite d’elle-même, ils ne l’avaient ni voulue ni organisée, ils ne la devaient, dans leur loyauté sereine, qu’au devoir rempli de leur longue tâche. Et ils étaient, la main dans la main, devant leur œuvre, tels que d’admirables héros, glorieux d’avoir été bons et forts, d’avoir beaucoup enfanté, beaucoup créé, donné au monde beaucoup de joie, de santé, d’espoir, parmi les éternelles luttes et les éternelles larmes.