Page:Zola - Fécondité.djvu/730

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Et Mathieu et Marianne vécurent plus de vingt ans encore, et Mathieu avait quatre-vingt-dix ans, Marianne quatre-vingt-sept, lorsque leurs trois aînés, Denis, Ambroise et Gervais, toujours debout à leurs côtés, complotèrent de célébrer leurs noces de diamant, le soixante-dixième anniversaire de leur mariage, par une fête, où ils réuniraient, au domaine de Chantebled, tous les membres de la famille.

Ce n’était point une petite affaire. Quand ils eurent dressé la liste exacte, ils trouvèrent, nés de Mathieu et de Marianne, cent cinquante-huit enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, sans compter quelques petits derniers-nés, ceux de la quatrième génération. En ajoutant les alliances, les maris et les femmes venus du dehors, on serait trois cents. Et où trouver, dans la ferme, une pièce pour dresser l’énorme table du déjeuner patriarcal qu’ils rêvaient ? L’anniversaire tombait le 2 juin, le printemps était, cette année-là, d’une douceur, d’une splendeur incomparables. Aussi décidèrent-ils qu’on déjeunerait dehors, que la table serait mise en face de l’ancien pavillon, au milieu de la grande pelouse, fermée par des rideaux d’ormes et de charmes superbes, ainsi qu’une immense salle de verdure. On serait chez soi, au sein même de la terre bienveillante, sous le chêne central, devenu géant, planté par les deux ancêtres dont