Page:Zola - Fécondité.djvu/738

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en fer à cheval se développait sous le chêne, au milieu d’un carré d’herbe rase, qu’on avait fauché. D’abord, Mathieu et Marianne allèrent en cérémonie, sans se quitter le bras, s’asseoir au centre, adossés tous deux au tronc du grand chêne. À la gauche de Mathieu, prirent place Marthe et Denis, Louise et son mari, le notaire Mazaud, puisqu’on avait eu l’idée bonne de ne pas séparer les ménages. À la droite de Marianne, se mirent Ambroise, Thérèse, Gervais, le docteur Chambouvet, tous veufs, puis un ménage encore, Madeleine et son mari, l’architecte Herbette, puis Benjamin, seul. Ensuite, par rang de générations, les autres ménages s’installèrent. Enfin, ainsi qu’il était décidé, la jeunesse, l’enfance, le troupeau des jeunes gens et des tout-petits, se casa comme il voulut, à son goût, au milieu d’une extraordinaire turbulence.

Ah ! quelle minute de souveraine gloire pour Mathieu et pour Marianne ! Ils se virent là dans un triomphe, dont ils n’auraient point osé faire le rêve. La vie, comme pour les récompenser d’avoir eu foi en elle, de l’avoir propagée de toute leur bravoure, semblait s’être plu à prolonger leur existence au-delà des limites communes, afin qu’ils pussent voir de leurs yeux la merveilleuse floraison de leur œuvre. Tout leur Chantebled était de la fête, tout ce qu’ils avaient fondé, créé là d’utile et de beau. Des champs cultivés, conquis sur les marais, leur venait le large frisson des grandes moissons prochaines ; des pâturages, au travers des bois lointains, leur arrivait le souffle chaud du bétail, des troupeaux sans nombre, l’arche continuellement accrue ; des sources captées, dont ils avaient fertilisé les landes, désormais prodigues de récoltes, ils entendaient la voix haute, ce ruissellement de l’eau qui est comme le sang de la terre. C’était l’œuvre sociale faite, le pain conquis, des subsistances créées, tirées du néant des terres incultes. Et, dans quel décor aimé, leur