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GERMINAL.

brave femme a sept enfants ! Tous nos ménages sont comme ça… Je vous expliquais que la Compagnie leur loue la maison six francs par mois. Une grande salle au rez-de-chaussée, deux chambres en haut, une cave et un jardin.

Le monsieur décoré et la dame en manteau de fourrure, débarqués le matin du train de Paris, ouvraient des yeux vagues, avaient sur la face l’ahurissement de ces choses brusques, qui les dépaysaient.

— Et un jardin, répéta la dame. Mais on y vivrait, c’est charmant !

— Nous leur donnons du charbon plus qu’ils n’en brûlent, continuait madame Hennebeau. Un médecin les visite deux fois par semaine ; et, quand ils sont vieux, ils reçoivent des pensions, bien qu’on ne fasse aucune retenue sur les salaires.

— Une Thébaïde ! un vrai pays de Cocagne ! murmura le monsieur, ravi.

La Maheude s’était précipitée pour offrir des chaises. Ces dames refusèrent. Déjà madame Hennebeau se lassait, heureuse un instant de se distraire à ce rôle de montreur de bêtes, dans l’ennui de son exil, mais tout de suite répugnée par l’odeur fade de misère, malgré la propreté choisie des maisons où elle se risquait. Du reste, elle ne répétait que des bouts de phrase entendus, sans jamais s’inquiéter davantage de ce peuple d’ouvriers besognant et souffrant près d’elle.

— Les beaux enfants ! murmura la dame, qui les trouvait affreux, avec leurs têtes trop grosses, embroussaillées de cheveux couleur de paille.

Et la Maheude dut dire leur âge, on lui adressa aussi des questions sur Estelle, par politesse. Respectueusement, le père Bonnemort avait retiré sa pipe de la bouche ; mais il n’en restait pas moins un sujet d’inquiétude, si ravagé par ses quarante années de fond, les jambes