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LES ROUGON-MACQUART.

Maheu les rappela. Il assit Lénore sur sa cuisse gauche, Henri sur sa cuisse droite ; puis, il acheva le fromage de cochon, en faisant la dînette avec eux. Chacun sa part, il leur coupait des petits morceaux. Les enfants, ravis, dévoraient.

Quand il eut fini, il dit à sa femme :

— Non, ne me sers pas mon café. Je vais me laver d’abord… Et donne-moi un coup de main pour jeter cette eau sale.

Ils empoignèrent les anses du baquet, et ils le vidaient dans le ruisseau, devant la porte, lorsque Jeanlin descendit, avec des vêtements secs, une culotte et une blouse de laine trop grandes, lasses de déteindre sur le dos de son frère. En le voyant filer sournoisement par la porte ouverte, sa mère l’arrêta.

— Où vas-tu ?

— Là.

— Où, là ?… Écoute, tu vas aller cueillir une salade de pissenlits pour ce soir. Hein ! tu m’entends ? si tu ne rapportes pas une salade, tu auras affaire à moi.

— Bon ! bon !

Jeanlin partit, les mains dans les poches, traînant ses sabots, roulant ses reins maigres d’avorton de dix ans, comme un vieux mineur. À son tour, Zacharie descendait, plus soigné, le torse pris dans un tricot de laine noire à raies bleues. Son père lui cria de ne pas rentrer tard ; et il sortit en hochant la tête, la pipe aux dents, sans répondre.

De nouveau, le baquet était plein d’eau tiède. Maheu, lentement, enlevait déjà sa veste. Sur un coup d’œil, Alzire emmena Lénore et Henri jouer dehors. Le père n’aimait pas se laver en famille, comme cela se pratiquait dans beaucoup d’autres maisons du coron. Du reste, il ne blâmait personne, il disait simplement que c’était bon pour les enfants, de barboter ensemble.