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GERMINAL.

— Que fais-tu donc là-haut ? cria la Maheude à travers l’escalier.

— Je raccommode ma robe, que j’ai déchirée hier, répondit Catherine.

— C’est bien… Ne descends pas, ton père se lave.

Alors, Maheu et la Maheude restèrent seuls. Celle-ci s’était décidée à poser sur une chaise Estelle, qui, par miracle, se trouvant bien près du feu, ne hurlait pas et tournait vers ses parents des yeux vagues de petit être sans pensée. Lui, tout nu, accroupi devant le baquet, y avait d’abord plongé sa tête, frottée de ce savon noir dont l’usage séculaire décolore et jaunit les cheveux de la race. Ensuite, il entra dans l’eau, s’enduisit la poitrine, le ventre, les bras, les cuisses, se les racla énergiquement des deux poings. Debout, sa femme le regardait.

— Dis donc, commença-t-elle, j’ai vu ton œil, quand tu es arrivé… Tu te tourmentais, hein ? ça t’a déridé, ces provisions… Imagine-toi que les bourgeois de la Piolaine ne m’ont pas fichu un sou. Oh ! ils sont aimables, ils ont habillé les petits, et j’avais honte de les supplier, car ça me reste en travers, quand je demande.

Elle s’interrompit un instant, pour caler Estelle sur la chaise, crainte d’une culbute. Le père continuait à s’user la peau, sans hâter d’une question cette histoire qui l’intéressait, attendant patiemment de comprendre.

— Faut te dire que Maigrat m’avait refusé, oh ! raide ! comme on flanque un chien dehors… Tu vois si j’étais à la noce ! Ça tient chaud, des vêtements de laine, mais ça ne vous met rien dans le ventre, pas vrai ?

Il leva la tête, toujours muet. Rien à la Piolaine, rien chez Maigrat : alors, quoi ? Mais, comme à l’ordinaire, elle venait de retrousser ses manches, pour lui laver le dos et les parties qu’il lui était mal commode d’atteindre. D’ailleurs, il aimait qu’elle le savonnât, qu’elle