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LES ROUGON-MACQUART.

le frottât partout, à se casser les poignets. Elle prit du savon, elle lui laboura les épaules, tandis qu’il se raidissait, afin de tenir le coup.

— Donc, je suis retournée chez Maigrat, je lui en ai dit, ah ! je lui en ai dit… Et qu’il ne fallait pas avoir de cœur, et qu’il lui arriverait du mal, s’il y avait une justice… Ça l’ennuyait, il tournait les yeux, il aurait bien voulu filer…

Du dos, elle était descendue aux fesses ; et, lancée, elle poussait ailleurs, dans les plis, ne laissant pas une place du corps sans y passer, le faisant reluire comme ses trois casseroles, les samedis de grand nettoyage. Seulement, elle suait à ce terrible va-et-vient des bras, toute secouée elle-même, si essoufflée, que ses paroles s’étranglaient.

— Enfin, il m’a appelée vieux crampon… Nous aurons du pain jusqu’à samedi, et le plus beau, c’est qu’il m’a prêté cent sous… J’ai encore pris chez lui le beurre, le café, la chicorée, j’allais même prendre la charcuterie et les pommes de terre, quand j’ai vu qu’il grognait… Sept sous de fromage de cochon, dix-huit sous de pommes de terre, il me reste trois francs soixante-quinze pour un ragoût et un pot-au-feu… Hein ? Je crois que je n’ai pas perdu ma matinée.

Maintenant, elle l’essuyait, le tamponnait avec un torchon, aux endroits où ça ne voulait pas sécher. Lui, heureux, sans songer au lendemain de la dette, éclatait d’un gros rire et l’empoignait à pleins bras.

— Laisse donc, bête ! tu es trempé, tu me mouilles… Seulement, je crains que Maigrat n’ait des idées…

Elle allait parler de Catherine, elle s’arrêta. À quoi bon inquiéter le père ? Ça ferait des histoires à n’en plus finir.

— Quelles idées ? demanda-t-il.

— Des idées de nous voler, donc ! Faudra que Catherine épluche joliment la note.

Il l’empoigna de nouveau, et cette fois ne la lâcha plus.