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GERMINAL.

lui semblait très commode pour monter, comme s’il eût fondu et qu’il pût passer par des fentes, où il n’aurait point risqué une main jadis. Il respirait sans malaise les poussières du charbon, voyait clair dans la nuit, suait tranquille, fait à la sensation d’avoir du matin au soir ses vêtements trempés sur le corps. Du reste, il ne dépensait plus maladroitement ses forces, une adresse lui était venue, si rapide, qu’elle étonnait le chantier. Au bout de trois semaines, on le citait parmi les bons herscheurs de la fosse : pas un ne roulait sa berline jusqu’au plan incliné, d’un train plus vif, ni ne l’emballait ensuite, avec autant de correction. Sa petite taille lui permettait de se glisser partout, et ses bras avaient beau être fins et blancs comme ceux d’une femme, ils paraissaient en fer sous la peau délicate, tellement ils menaient rudement la besogne. Jamais il ne se plaignait, par fierté sans doute, même quand il râlait de fatigue. On ne lui reprochait que de ne pas comprendre la plaisanterie, tout de suite fâché, dès qu’on voulait taper sur lui. Au demeurant, il était accepté, regardé comme un vrai mineur, dans cet écrasement de l’habitude qui le réduisait un peu chaque jour à une fonction de machine.

Maheu surtout se prenait d’amitié pour Étienne, car il avait le respect de l’ouvrage bien fait. Puis, ainsi que les autres, il sentait que ce garçon avait une instruction supérieure à la sienne : il le voyait lire, écrire, dessiner des bouts de plan, il l’entendait causer de choses dont, lui, ignorait jusqu’à l’existence. Cela ne l’étonnait pas, les bouilleurs sont de rudes hommes qui ont la tête plus dure que les machineurs ; mais il était surpris du courage de ce petit-là, de la façon gaillarde dont il avait mordu au charbon, pour ne pas crever de faim. C’était le premier ouvrier de rencontre qui s’acclimatait si promptement. Aussi, lorsque l’abattage pressait et qu’il ne voulait pas déranger un haveur,