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LES ROUGON-MACQUART.

chargeait-il le jeune homme du boisage, certain de la propreté et de la solidité du travail. Les chefs le tracassaient toujours sur cette maudite question des bois, il craignait à chaque heure de voir apparaître l’ingénieur Négrel, suivi de Dansaert, criant, discutant, faisant tout recommencer ; et il avait remarqué que le boisage de son herscheur satisfaisait ces messieurs davantage, malgré leurs airs de n’être jamais contents et de répéter que la Compagnie, un jour ou l’autre, prendrait une mesure radicale. Les choses traînaient, un sourd mécontentement fermentait dans la fosse, Maheu lui-même, si calme, finissait par fermer les poings.

Il y avait eu d’abord une rivalité entre Zacharie et Étienne. Un soir, ils s’étaient menacés d’une paire de gifles. Mais le premier, brave garçon et se moquant de ce qui n’était pas son plaisir, tout de suite apaisé par l’offre amicale d’une chope, avait dû s’incliner bientôt devant la supériorité du nouveau venu. Levaque, lui aussi, faisait bon visage maintenant, causait politique avec le herscheur, qui avait, disait-il, ses idées. Et, parmi les hommes du marchandage, celui-ci ne sentait plus une hostilité sourde que chez le grand Chaval, non pas qu’ils parussent se bouder, car ils étaient devenus camarades au contraire ; seulement, leurs regards se mangeaient, quand ils plaisantaient ensemble. Catherine, entre eux, avait repris son train de fille lasse et résignée, pliant le dos, poussant sa berline, gentille toujours pour son compagnon de roulage qui l’aidait à son tour, soumise d’autre part aux volontés de son amant dont elle subissait ouvertement les caresses. C’était une situation acceptée, un ménage reconnu sur lequel la famille elle-même fermait les yeux, à ce point que Chaval emmenait chaque soir la herscheuse derrière le terri, puis la ramenait jusqu’à la porte de ses parents, où il l’embrassait une dernière fois, devant tout le coron. Étienne, qui croyait en