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IV


— Écoute, dit la Maheude à son homme, puisque tu vas à Montsou pour la paie, rapporte-moi donc une livre de café et un kilo de sucre.

Il recousait un de ses souliers, afin d’épargner le raccommodage.

— Bon ! murmura-t-il, sans lâcher sa besogne.

— Je te chargerais bien de passer aussi chez le boucher… Un morceau de veau, hein ? il y a si longtemps qu’on n’en a pas vu.

Cette fois, il leva la tête.

— Tu crois donc que j’ai à toucher des mille et des cents… La quinzaine est trop maigre, avec leur sacrée idée d’arrêter constamment le travail.

Tous deux se turent. C’était après le déjeuner, un samedi de la fin d’octobre. La Compagnie, sous le prétexte du dérangement causé par la paie, avait encore, ce jour-là, suspendu l’extraction, dans toutes ses fosses. Saisie de panique devant la crise industrielle qui s’aggravait, ne voulant pas augmenter son stock déjà lourd, elle profitait des moindres prétextes pour forcer ses dix mille ouvriers au chômage.

— Tu sais qu’Étienne t’attend chez Rasseneur, reprit