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Page:Zola - Germinal.djvu/212

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LES ROUGON-MACQUART.

taient. On voulait les faire taire, elles s’affolaient, hurlaient plus fort, à chaque râle.

Le porion Richomme était arrivé au pas de course, désolé que ni l’ingénieur Négrel, ni Dansaert ne fussent à la fosse. L’oreille collée contre les roches, il écoutait ; et il finit par dire que ces plaintes n’étaient pas des plaintes d’enfant. Un homme se trouvait là, pour sûr. À vingt reprises déjà, Maheu avait appelé Jeanlin. Pas une haleine ne soufflait. Le petit devait être broyé.

Et toujours le râle continuait, monotone. On parlait à l’agonisant, on lui demandait son nom. Le râle seul répondait.

— Dépêchons ! répétait Richomme, qui avait déjà organisé le sauvetage. On causera ensuite.

Des deux côtés, les mineurs attaquaient l’éboulement, avec la pioche et la pelle. Chaval travaillait sans une parole, à côté de Maheu et d’Étienne ; tandis que Zacharie dirigeait le transport des terres. L’heure de la sortie était venue, aucun n’avait mangé ; mais on ne s’en allait pas pour la soupe, tant que des camarades se trouvaient en péril. Cependant, on songea que le coron s’inquiéterait, s’il ne voyait rentrer personne, et l’on proposa d’y renvoyer les femmes. Ni Catherine, ni la Mouquette, ni même Lydie ne voulurent s’éloigner, clouées par le besoin de savoir, aidant aux déblais. Alors, Levaque accepta la commission d’annoncer là haut l’éboulement, un simple dommage qu’on réparait. Il était près de quatre heures, les ouvriers en moins d’une heure avaient fait la besogne d’un jour : déjà la moitié des terres auraient dû être enlevées, si de nouvelles roches n’avaient glissé du toit. Maheu s’obstinait avec une telle rage, qu’il refusait d’un geste terrible, quand un autre s’approchait pour le relayer un instant.

— Doucement ! dit enfin Richomme. Nous arrivons… Il ne faut pas les achever.