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GERMINAL.

tion exacte, lorsque Hippolyte ouvrit la porte de la salle à manger. Alors, il s’interrompit pour dire :

— Déjeunez avec nous. Je vous continuerai ça au dessert.

— Oui, comme il vous plaira, répondit Deneulin, si plein de son idée, qu’il acceptait sans autres façons.

Il eut pourtant conscience de son impolitesse, il se tourna vers madame Hennebeau, en s’excusant. Elle fut d’ailleurs charmante. Quand elle eut fait mettre un septième couvert, elle installa ses convives : madame Grégoire et Cécile aux côtés de son mari ; puis, M. Grégoire et Deneulin à sa droite et à sa gauche ; enfin, Paul, qu’elle plaça entre la jeune fille et son père. Comme on attaquait les hors-d’œuvre, elle reprit avec un sourire :

— Vous m’excuserez, je voulais vous donner des huîtres… Le lundi, vous savez qu’il y a un arrivage d’Ostende à Marchiennes, et j’avais projeté d’envoyer la cuisinière avec la voiture… Mais elle a eu peur de recevoir des pierres…

Tous l’interrompirent d’un grand éclat de gaieté. On trouvait l’histoire drôle.

— Chut ! dit M. Hennebeau contrarié, en regardant les fenêtres, d’où l’on voyait la route. Le pays n’a pas besoin de savoir que nous recevons, ce matin.

— Voici toujours un rond de saucisson qu’ils n’auront pas, déclara M. Grégoire.

Les rires recommencèrent, mais plus discrets. Chaque convive se mettait à l’aise, dans cette salle tendue de tapisseries flamandes, meublée de vieux bahuts de chêne. Des pièces d’argenterie luisaient derrière les vitraux des crédences ; et il y avait une grande suspension en cuivre rouge, dont les rondeurs polies reflétaient un palmier et un aspidistra, verdissant dans des pots de majolique. Dehors, la journée de décembre était glacée