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II


Dès la veille, dans une réunion tenue chez Rasseneur, Étienne et quelques camarades avaient choisi les délégués qui devaient se rendre le lendemain à la Direction. Lorsque, le soir, la Maheude sut que son homme en était, elle fut désolée, elle lui demanda s’il voulait qu’on les jetât à la rue. Maheu lui-même n’avait point accepté sans répugnance. Tous deux, au moment d’agir, malgré l’injustice de leur misère, retombaient à la résignation de la race, tremblant devant le lendemain, préférant encore plier l’échine. D’habitude, lui, pour la conduite de l’existence, s’en remettait au jugement de sa femme, qui était de bon conseil. Cette fois, cependant, il finit par se fâcher, d’autant plus qu’il partageait secrètement ses craintes.

— Fiche-moi la paix, hein ! lui dit-il en se couchant et en tournant le dos. Ce serait propre, de lâcher les camarades !… Je fais mon devoir.

Elle se coucha à son tour. Ni l’un ni l’autre ne parlait. Puis, après un long silence, elle répondit :

— Tu as raison, vas-y. Seulement, mon pauvre vieux, nous sommes foutus.

Midi sonnait, lorsqu’on déjeuna, car le rendez-vous