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LES ROUGON-MACQUART.

fond de sa poitrine, des choses qu’il ne savait même pas là, et qui sortaient, dans un gonflement de son cœur. Il disait leur misère à tous, le travail dur, la vie de brute, la femme et les petits criant la faim à la maison. Il cita les dernières payes désastreuses, les quinzaines dérisoires, mangées par les amendes et les chômages, rapportées aux familles en larmes. Est-ce qu’on avait résolu de les détruire ?

— Alors, monsieur le directeur, finit-il par conclure, nous sommes donc venus vous dire que, crever pour crever, nous préférons crever à ne rien faire. Ce sera de la fatigue de moins… Nous avons quitté les fosses, nous ne redescendrons que si la Compagnie accepte nos conditions. Elle veut baisser le prix de la berline, payer le boisage à part. Nous autres, nous voulons que les choses restent comme elles étaient, et nous voulons encore qu’on nous donne cinq centimes de plus par berline… Maintenant, c’est à vous de voir si vous êtes pour la justice et pour le travail.

Des voix, parmi les mineurs, s’élevèrent.

— C’est cela… Il a dit notre idée à tous… Nous ne demandons que la raison.

D’autres, sans parler, approuvaient d’un hochement de tête. La pièce luxueuse avait disparu, avec ses ors et ses broderies, son entassement mystérieux d’antiquailles ; et ils ne sentaient même plus le tapis, qu’ils écrasaient sous leurs chaussures lourdes.

— Laissez-moi donc répondre, finit par crier M. Hennebeau, qui se fâchait. Avant tout, il n’est pas vrai que la Compagnie gagne deux centimes par berline… Voyons les chiffres.

Une discussion confuse suivit. Le directeur, pour tâcher de les diviser, interpella Pierron, qui se déroba, en bégayant. Au contraire, Levaque était à la tête des plus agressifs, embrouillant les choses, affirmant des faits