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GERMINAL.

qu’il ignorait. Le gros murmure des voix s’étouffait sous les tentures, dans la chaleur de serre.

— Si vous causez tous à la fois, reprit M. Hennebeau, jamais nous ne nous entendrons.

Il avait retrouvé son calme, sa politesse rude, sans aigreur, de gérant qui a reçu une consigne et qui entend la faire respecter. Depuis les premiers mots, il ne quittait pas Étienne du regard, il manœuvrait pour le tirer du silence où le jeune homme se renfermait. Aussi, abandonnant la discussion des deux centimes, élargit-il brusquement la question.

— Non, avouez donc la vérité, vous obéissez à des excitations détestables. C’est une peste, maintenant, qui souffle sur tous les ouvriers et qui corrompt les meilleurs… Oh ! je n’ai besoin de la confession de personne, je vois bien qu’on vous a changés, vous si tranquilles autrefois. N’est-ce pas ? on vous a promis plus de beurre que de pain, on vous a dit que votre tour était venu d’être les maîtres… Enfin, on vous enrégimente dans cette fameuse Internationale, cette armée de brigands dont le rêve est la destruction de la société…

Étienne, alors, l’interrompit.

— Vous vous trompez, monsieur le directeur. Pas un charbonnier de Montsou n’a encore adhéré. Mais, si on les y pousse, toutes les fosses s’enrôleront. Ça dépend de la Compagnie.

Dès ce moment, la lutte continua entre M. Hennebeau et lui, comme si les autres mineurs n’avaient plus été là.

— La Compagnie est une providence pour ses hommes, vous avez tort de la menacer. Cette année, elle a dépensé trois cent mille francs à bâtir des corons, qui ne lui rapportent pas le deux pour cent, et je ne parle ni des pensions qu’elle sert, ni du charbon, ni des médicaments qu’elle donne… Vous qui paraissez intelligent, qui êtes devenu en peu de mois un de nos ouvriers les