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GERMINAL.

— Tu as fait ça ! tu as fait ça !

— J’ai fait ça, parfaitement ! Et tu sais pourtant si j’ai confiance en Pluchart ! C’est un malin et un solide, on peut marcher avec lui… Mais, vois-tu, je me fous de vos idées, moi ! La politique, le gouvernement, tout ça, je m’en fous ! Ce que je désire, c’est que le mineur soit mieux traité. J’ai travaillé au fond pendant vingt ans, j’y ai sué tellement de misère et de fatigue, que je me suis juré d’obtenir des douceurs pour les pauvres bougres qui y sont encore ; et, je le sens bien, vous n’obtiendrez rien du tout avec vos histoires, vous allez rendre le sort de l’ouvrier encore plus misérable… Quand il sera forcé par la faim de redescendre, on le salera davantage, la Compagnie le paiera à coups de trique, comme un chien échappé qu’on fait rentrer à la niche… Voilà ce que je veux empêcher, entends-tu !

Il haussait la voix, le ventre en avant, planté carrément sur ses grosses jambes. Et toute sa nature d’homme raisonnable et patient se confessait en phrases claires, qui coulaient abondantes, sans effort. Est-ce que ce n’était pas stupide de croire qu’on pouvait d’un coup changer le monde, mettre les ouvriers à la place des patrons, partager l’argent comme on partage une pomme ? Il faudrait des mille ans et des mille ans pour que ça se réalisât peut-être. Alors, qu’on lui fichât la paix, avec les miracles ! Le parti le plus sage, quand on ne voulait pas se casser le nez, c’était de marcher droit, d’exiger les réformes possibles, d’améliorer enfin le sort des travailleurs, dans toutes les occasions. Ainsi, lui se faisait fort, s’il s’en occupait, d’amener la Compagnie à des conditions meilleures ; au lieu que, va te faire fiche ! on y crèverait tous, en s’obstinant.

Étienne l’avait laissé parler, la parole coupée par l’indignation. Puis, il cria :

— Nom de Dieu ! tu n’as donc pas de sang dans les veines ?